Je vais simplement m'étaler un peu sur le cas SANDFALL Interactive et sur mon ressenti de tout ce bruit.
Avant toute chose : Oui. J'ai adoré le jeu en question mais ceci n'est qu'un élément secondaire.

DONC : Le cas Sandfall Interactive.
Expédition 33 a été un pavé dans la mare 2025 lui valant le titre de « Jeu le mieux noté de tous les temps », une vague monstrueuse d’ articles de presse spécialisée et mainstream le portant aux nus.
Pourquoi un tel engouement ? Sommes-nous à l’apogée de ce que le jeu vidéo peut offrir ? Observons-nous un chef d’œuvre sans faille aucune ?
Je vais devoir vous spoiler la conclusion tout de suite : Non.

Nous vivons une époque où les très gros distributeurs de jeux vidéo ont mis en place des routines de production des plus morbides quant à l’aspect créatif des œuvres.
Un schéma a plu ? Déclinons ce schéma tous les ans sur tous les supports, dans tous les styles et ajoutons-y un maximum de DLC. C’est par exemple ce qu’il s’est passé avec la licence Assassin’s creed ou encore Call of Duty: Une idée intéressante déclinée des dizaines de fois, envahissant le marché et ne proposant que le minimum syndical en termes de nouveautés. Le zéro risque qui consiste à affiner un produit pour plaire au plus grand nombre, à la plus grande part de marché sans s’encombrer de contrainte artistique ou narrative.
A l’opposé de cette industrie, nous trouvons le monde de l’indépendant. Des titres développés par des équipes réduites, parfois même une personne seule, ne disposant pas de puissance commerciale pour promouvoir la sortie de leur jeu.
Même si énormément des titres indépendants se copient les uns sur les autres, parfois une pépite sort de cet océan et obtient un succès relatif.
Pour terminer de dresser le paysage vidéo ludique parlons de ce qu’il y a dans l’entre deux.
De petits studios mais ayant déjà un statut équivalent à une PME, servant de développeurs pour les titres les moins aboutis des gros distributeurs et certains tentant de poursuivre un idéal créatif. Ces studios sont les plus malmenés du marché actuel. Ils naissent et meurent par bouquets dans l’année.
C’est sur ce champ de bataille que le studio Sandfall Interactive voit le jour à Montpellier en 2020. Guillaume Broche est un ancien employé de Ubisoft déçu par son employeur, il décide de se lancer dans sa propre entreprise en s’entourant de divers talents pris dans ses connaissances mais également de donner leur chance à des créateurs trouvés sur internet.
Une équipe qui atteindra le nombre de 33 membres (chien compris) réunis autour d’une vision, d’un concept.
L’idée est simple : Aller au bout de la vision d’origine sans s’occuper des tendances du marché.
Et effectivement Expédition 33 ne suit aucun standard.
La boucle de gameplay se constitue de combat au tour par tour… Bien que Baldur’s gate 3 ai fait des émules à ce niveau, il s’agit d’un rythme particulier et généralement réservé aux RPG japonais. Ajoutons à cela une composante temps réel avec les esquives de la même manière qu’un « Personna », une micro gestion de personnages très poussées et parfois compliquée à prendre en mains, un univers cryptique qui ne se dévoilera que très progressivement et nécessitera de l’investissement pour le comprendre, des messages politiques forts concernant le domaine de l’art et de la création de manière générale, des personnages Français peu importe l’image que l’on aurait à l’international, de la musique ? Oui ! Classique, jazzy, tribale et parfois même expérimentale ! Inutile de fricoter avec la mode du moment, ça ne collerait pas ! La mode est à l’open world ? Nous en avons un ! Mais avec des zones linéaires et pas plus grand que le nécessite le récit. Concentrons-nous sur l’essentiel. Le ton ? Dramatique, parfois avec un sourire en coin, parfois non. Le moins que l’on puisse dire c’est que rien ne suivait le zéro risque cher aux distributeurs. L’œuvre était là, produite dans sa plus pure cohérence avec elle-même, pétrie pendant cinq ans en déviant le moins possible vers la facilité économique.
Un double AA qui sort en mai 2025, non pour faire plaisir au moindre Jean-Kevin fantasmé par Ubisoft, mais pour imposer une vision créative aboutie et adviendra que pourra.
Et c’est la claque.

Le jeu est imparfait, visuellement il y a certains bugs, les patchs sur la difficulté se sont bousculés à sa sortie mais le constat est là : On vient de montrer à un public engourdi, ce que c’était de créer un jeu vidéo comme il y a 25 ans mais avec la technique actuelle. Et le plus beau ? Pour 45 € hors remise ! 30% de moins que le prix standard des clones annuels !
Le vent de fraicheur fonctionne, le jeu explose les ventes et fait renaître l’engouement pour le domaine.
C’est en cela qu’Expédition 33 est exceptionnel : son timing de sorti.
Je ne dis pas que le jeu, hors contexte, est mauvais ! Loin de là ! C’est un excellent jeu à bien des niveaux. Ce que je dis c’est que si le contexte avait été différent, ça aurait juste été un excellent jeu et non un évènement mondial.

Cette explosion signifie que le public en a ras-le-bol du modèle en place, des resucées, repompées annuelles sans âmes, d’être pris par la main sans jamais se faire brusquer ou de ne pouvoir s’étonner, de consommer le même burger dans des emballages différents. Le monde était envahi de films type Marvel, Sandfall lui a offert un « Fight Club » et il a aimé ça.
Les conséquences vont apparaitre mais il est fort à parier que d’autres studios emboiteront le pas de Sandfall et que les gros éditeurs devront revoir leur grille tarifaire et la qualité de leur catalogue dans un avenir proche.

